A la pénombre des branches de chênes entremêlées, un silence spirituel s’était abattu sur la végétation luxuriante. Pas un oiseau ne chantait, pas un insecte ne bourdonnait. Kementari apparut. Une couronne de fleur ornait sa chevelure émeraude, elle n’était vêtue que d’une toge faite de feuilles argentées de tilleul. Ses pas épousaient parfaitement le tapis de mousse sous ses pieds nus. Malgré cet accoutrement, elle inspirait respect et noblesse.
Elle s’agenouilla près d’un grand pin centenaire et tendit l’oreille en retenant son souffle. Le plus léger des bruits aurait suffit à rompre l’enchantement. Ses mains touchèrent délicatement les fougères devant elle, une à une celles-ci s’écartèrent ouvrant un chemin jusqu’à un magnifique camélia qui s’épanouit lentement au contact des rayons du soleil. A l’intérieur, un être minuscule se réfugia sous les pétales encore fermés.
Kementari admira la fleur, puis, de sa voix mélodieuse, murmura quelques mots. Instantanément la fleur s’ouvrit de plus belle. Le petit être offert à la vue de tous n’était plus effrayé, il s’avança et s’inclina. Elle tendit sa mains dans sa direction, il grimpa et alla se placer eu centre de la paume de l’enchanteresse. Elle rapprocha sa main de son visage et murmura « Lüna, tu ne peux pas partir. »
« Mère, l’heure est arrivée je le sens. La guerre a ravagé beaucoup de nos contrées, les arbres se meurent sous les flammes, les animaux ont désertés nos forets. Le sol est même devenu aride dans certaines régions, si prospèrent autrefois. Le coeur de la foret se meure lentement, son pouls ralentit chaque jour un peu plus.»
L’elfe regarda avec mélancolie l’esprit qui l’avait vu naître. « Je dois suivre mon chemin, je suis Lüna, fille de la terre. Je ne peux regarder les hommes détruire ceci. Vous vous mourrez lentement… Mère. Je ne puis rester là sans rien faire. »
L’esprit de la foret lui sourit, provoquant une vague de chaleur dans le coeur de la créature. « Ma douce enfant… tu portes en toi l’amour de la nature » Une larme perla sur la joue de l’esprit. «Si tel est ton choix je ne peux te retenir mais sache que je serais toujours près de toi » L’esprit déposa délicatement l’elfe sur le sol mousseux et prononça une incantation. Aussitôt les feuilles virvoletèrent et un épais nuage de poussière s’éleva dans les airs.
Sur le moment elle ne sut ce qu’il s’était produit mais lorsque le nuage se dissipa elle remarqua que sa vision avait quelque chose de changé. Elle était encore abasourdit mais elle remarqua qu’elle pouvait voir au dessus des herbes, tout semblait petit autour d’elle. Elle se redressa et vit qu’elle dépassait Kementari, son souffle fut coupé net et la panique s’empara de son corps, que lui était-il arrivé ? L’esprit déposa sa main sur le bras de Lüna. « Ne t’inquiètes pas mon enfant, je t’ai donné la grandeur des hommes, ta quête sera semée d’embûches, tu devras te défendre, tuer même pour ta propre survie. Les hommes sont si différents de nous… Tu auras besoin de ceci également » L’esprit fit apparaître un violon en bois de rose. « Ceci sera l’instrument qui te relira à moi, ne t’en sépare jamais, fais m'en la promesse ; sa voix se brisa. Une partie de mon esprit vie à l’intérieur de celui-ci. Si tu as besoin de ma force durant ton périple, puise dans mon pouvoir mais sache qu’il ne sera pas éternel. »
Lüna contempla le violon avec amour. « Jamais je ne m’en séparerais, je jouerais chaque nuit pour vous, pour nous. » Elle le serra contre son coeur, celui-ci pleurait déjà, elle savait qu’elle ne reviendrait plus ici. Une fois que ses mains auront donnés la mort à un être vivant elle ne pourrait plus voir la féerie de sa foret. Le prix était lourd à payer mais avait elle le choix ? Non…malheureusement.
Elle embrassa l’esprit vivant de la foret puis la gorge serrée se détourna,elle ouvrit ses yeux larmoyants en direction de Cyrosh, là où sa destinée l’attendait…
Lun 18 Juil - 1:14